Louis Delorme a publié dix-sept recueils de poèmes. Pour ce faire, il est
devenu typographe, imprimeur, illustrateur, brocheur, éditeur . (Éditions du
Brontosaure). Il a vu de ses ouvrages couronnés successivement par l'IIe des
Poètes, la Société des Poètes Français et l'Académie Française. Il a édité
deux romans et deux pièces de théâtre. Il collabore également à des revues et
anthologies.
Louis Delorme est aussi peintre. Il a été lauréat de l'Académie d'Architec-
ture pour l'enseignement du dessin. De là à associer le texte et le dessin...
Delorme nous livre des oeuvres dans lesquelles c'est tantôt le poème qui prime,
tantôt le dessin qui l'emporte.Mais il arrive aussi que les deux composantes,
texte et graphisme, soient en harmonieuse association, et de conception
simultanée.
Les thèmes que l'auteur aborde le plus souvent sont ceux de l'enfance (« Les
Vagissements », « Mes limbes »), ceux de la nature et de sa défense, (« Les Hurle-
ments », Arborescences»), ceux de la condition humaine («le Chemin», « Le Point
de Rupture»), ceux de la femme (« J'ELLE », « Entre Toutes »).
°°°°°°°°°°°°°
La parole était seule approche
seul élan vers la découverte
l'appréhension de l'inconnu
seule île en dehors de la solitude
émergeant faussement
d'une mer de contraintes
mirage sûrement
réconfort pourquoi pas
Le baume recherché des mots
sur notre angoisse
le seul lien véritable
entre les personnages
que nous dépêchions à nos places
Quel théâtre n'avons-nous pas imaginé
°°°°°°°°°°
Et petit à petit
sans nous passer le mot
sans rien nous dire
qui nous eût mis sur la voie
l'un de l'autre
nous avons appris le silence
et nous nous sommes régalés
de nos seules images
Je me disais que le bonheur
se tenait tout entier figé
dans le ciment de sa présence
fût-ce avec une pointe d'amertume
Je m'appliquais alors à n'être
que la caresse du moment
pour en goûter et la trame et la chaîne
Je n'étais plus qu'un peu
de l'offrande à venir
le parfum de la rose à naître
dans cette pseudo communion
qui se passait d'aller
dans le gris du désir et de sombrer
dans les troubles de l'acte
Je me répétais à l'envi
que l'insatisfaction bien maîtrisée
n'est que l'épice de la vie
°°°°°°°°°°°°°
Puis un matin
la brise a balbutié l'automne
le soleil tiré vers le bas
n'avait que des courses furtives
Les oiseaux se sont égaillés
selon des lignes compliquées
et les arbres se sont laissé
envahir peu à peu par la mélancolie
comme s'ils pressentaient
la fin de quelque chose
Le vert n'a plus été
la couleur essentielle
des nuances partout
insinuaient une autre possibilité
Puis ce fut une après-midi sans Elle
Les colchiques avaient mis
leur flamme un peu partout
je détestais ce romantisme naissant
°°°°°°°°°°°°°
.
Quelques mots égarés
se raccrochaient aux feuilles
qui n'en finissaient pas
de dégringoler dans la combe
et de planer
en croyant remonter le temps
Et ils me disaient autrement
ce que j'avais fort mal compris
Un nuancier de mauves et de jaunes
toute la gamme de Tes phrases
meublait maintenant mon esprit
Je repassais tout le courant
que je n'avais pas su descendre
comme l'araignée qui remonte
en avalant tout ce qu'elle a filé
Je revivais toutes nos scènes
comme j'aurais voulu
les voir se dérouler
mais Tu n'étais plus là
pour donner la réplique
C'était moins authentique
mais docile et domptée
Tu suivais à la lettre
ce qu'il me plaisait d'inventer
°°°°°°°°°°°
Je trouvais des imperfections
dans quelques unes de Tes courbes
c'était le fin du fin
les marques de Ton caractère
ce qui faisait que c'était Toi
plutôt qu'une autre fille
J'essayais d'apprendre par coeur
ces quelques touches attachantes
dans les nuances les plus rares
de la matière la plus pure
Ces grains précieux de beauté
de bonheur
Ta mosaïque d'un autre âge
°°°°°°°°°
Irrésistiblement
le kaléidoscope
de nos instants
de nos pensées
de toutes nos facettes
multipliait à l'infini
les facéties
les gribouillis
les enlacements de nos corps
Qui dit que les actes factices
les paroles rentrées
les gestes qui n'ont pas
seulement un début d'ébauche
n'ont pas leur panthéon
dans la cité du rêve
leur musée de souvenirs
au royaume de l'impalpable
°°°°°°°°°°
Tout l'hiver je T'ai rêvée
je T'ai couvée sous mon aile
comme un projet de voyage
une terre d'évasion
je fabriquais une à une
toutes les pièces du puzzle
qui manquaient à mon souvenir
Le réel sans importance
ne trouvait pas grâce à mes yeux
seule comptait l'aventure
le dessin à partir de bribes
Je Te savais île lointaine
cité perdue
engloutie par les flots du monde
noyée dans la marée humaine
Je Te savais dans tous les livres
qui ont porté les êtres
vers la découverte du rêve
vers l'autre face de la vie
j'avais peur de Te perdre encore
Si Tu m'apparaissais
Tu serais différente
°°°°°°°°°°°°°
Je T'ai vue tout en haut
de l'escalier de terre
au débouché des deux chemins
à la croisée possible des regards
Tu sortais d'un buisson
de lumière éclatante
naissais de l'enchevêtrement
des rayons argentés
Toi l'Impalpable
avais de suite repris chair
dans les orbes de la campagne
dans les déroulements de Loire
dans les palpitements
qui font les marbrures de l'air
Poèmes extraits de LA CHANSON D'ELLE ET DE LUI ( Poèmes de " Lui " )
Wednesday, October 3, 2007
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